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Résumé :

L’ARSF a examiné les pratiques de gestion du risque liées aux actifs atypiques (également appelés « actifs non traditionnels ») des six principaux régimes de retraite du secteur public en Ontario. Cette catégorie d’actifs constitue une part des portefeuilles de placement de ces régimes qui est à la fois conséquente et importante stratégiquement. Comparés aux catégories d’actifs traditionnelles, les actifs atypiques présentent des risques supplémentaires pour les investisseurs. L’immobilier, l’infrastructure et l’investissement en capital sont généralement des placements non liquides. Cette illiquidité affecte leur évaluation et le rendement des portefeuilles des régimes de retraite pour ce qui a trait à leur objectif d’acquitter de manière continue leur passif lié aux prestations de retraite. Les pratiques de gestion du risque observées par l’ARSF reflètent ces enjeux et permettent à leur tour de déterminer les pratiques dominantes. Dans le cadre de son obligation de rendre des comptes au secteur, l’ARSF présente les observations issues de l’examen pour aider les administrateurs de régimes à respecter la norme de diligence qui leur incombe. L’ARSF reconnaît le caractère unique des régimes du secteur public du fait de leur taille et de leur expertise en matière de gouvernance, de gestion du risque et de placement. Les circonstances relatives à chaque régime varient au sein du secteur. Les administrateurs de régimes doivent tenir compte des risques des actifs atypiques de manière proportionnée et adaptée à leur régime. L’ARSF a effectué cet examen en réponse à l’évaluation de la stabilité du système financier du Canada réalisé par le Fonds monétaire international et pour faire avancer sa priorité visant à élaborer son cadre de surveillance prudentielle et à mener des consultations à ce sujet. 

Remerciements

L’ARSF remercie les entités suivantes de leur participation et de l’aide substantielle fournie au cours de son examen des pratiques de gestion des actifs atypiques :

  • Régime des collèges d’arts appliqués et de technologie (CAAT);
  • Healthcare of Ontario Pension Plan;
  • Société ontarienne de gestion des placements;
  • Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario;
  • Commission du Régime de retraite de l’Ontario;
  • Fiducie du régime de retraite du SEFPO;
  • Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.

Ensemble, les six principaux régimes de retraite du secteur public de l’Ontario comptent plus de 1,5 million de participantes et participants et plus de 475 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Ils représentent plus de 40 % du total des participants à des régimes à prestations déterminées (PD) et 75 % de tous les actifs des régimes à PD de l’Ontario au 31 mars 2021. Ces régimes figurent parmi les principaux investisseurs dans des actifs atypiques à l’échelon mondial. Trois des régimes figurent sur la liste des 100 principaux régimes de retraite dans le monde. Ces régimes de l’Ontario sont des acteurs importants de l’écosystème des pensions et des marchés financiers. Ils possèdent à l’interne une vaste expérience des placements et de l’administration. Les régimes font l’objet d’une gestion paritaire par leur employeur et les représentants des participants dans le cadre de la surveillance indépendante exercée par leur conseil.

1    Introduction

L’ARSF a examiné les pratiques de gestion du risque liées aux actifs atypiques des six principaux régimes de retraite du secteur public en Ontario (les « Régimes du secteur public » ou les « Régimes »).1  L’ARSF a effectué cet examen en réponse à l’évaluation de la stabilité du système financier du Canada réalisé par le Fonds monétaire international.2 L’examen a également été réalisé dans le cadre de la priorité 8.2, « Élaborer le cadre de surveillance prudentielle et tenir des consultations » du Plan d’activités 2020 2023 de l’ARSF.3 Cette priorité figure toujours dans le Plan d’activités annuel 2021 2024.4 Les objets législatifs de l’ARSF relativement au secteur des régimes de retraite sont de promouvoir la bonne administration des régimes de retraite et de protéger les prestations de retraite et les droits des bénéficiaires des régimes de retraite. Le travail de l’ARSF pour répertorier les pratiques liées aux actifs atypiques améliore au sein du secteur la compréhension de ce qu’est une bonne administration des régimes de retraite et l’évaluation des mesures permettant de protéger les prestations de retraite et les droits des bénéficiaires. L’ARSF mène son travail de supervision auprès des Régimes du secteur public de manière régulière. Elle continuera d’examiner les processus de gestion du risque et de gouvernance des Régimes pour ce qui a trait à l’ensemble des placements des caisses de retraite.

L’ARSF présente les observations issues de l’examen dans le cadre de son obligation de rendre des comptes au secteur. Selon ses principes directeurs en matière de supervision, l’ARSF se doit notamment d’être coopérative, transparente et facilitatrice.5 Les Régimes du secteur public sont des régimes de grande taille, très élaborés. Ils ont établi pour la gestion des placements atypiques des pratiques qui ont évolué au fil des ans. Celles-ci reflètent les enjeux sous-jacents liés aux actifs atypiques et permettent de déterminer les pratiques dominantes. Par le présent rapport, l’ARSF vise à informer l’ensemble du secteur des régimes de retraite sur ces enjeux et ces pratiques et à permettre aux administrateurs de régimes d’en tenir compte de manière proportionnée selon la situation de leur régime pour respecter la norme de diligence qui leur incombe.6  Dans le cadre des activités régulières de supervision menées par l’ARSF à l’appui de ses objets législatifs, les actifs atypiques demeurent l’un de ses domaines prioritaires dans sa collaboration avec les Régimes du secteur public.

Les principales catégories d’actifs atypiques détenues par les Régimes du secteur public sont l’immobilier, l’infrastructure et l’investissement en capital.7 Ces actifs atypiques présentent des caractéristiques de placement attrayantes pour les investisseurs à long terme (diversification accrue, protection contre l’inflation, plus faible volatilité et, à long terme, de meilleurs rendements ajustés selon le risque, qui sont confirmés par les données historiques). Néanmoins, leur illiquidité et leurs autres caractéristiques de risque sont porteuses de complexités et d’éventuelles vulnérabilités pour les stratégies de placement. La norme de diligence applicable aux administrateurs de régimes exige de ces derniers qu’ils comprennent et gèrent ces risques. La stratégie de placement d’un régime devrait assurer suffisamment de liquidités dans un éventail de scénarios plausibles. Les régimes doivent pouvoir acquitter leur passif à échéance. L’ARSF reconnaît que les pratiques décrites dans le présent rapport ont été élaborées par des régimes de grande taille disposant de capacités internes importantes en gestion du risque et en placement. L’ARSF attend des administrateurs des régimes de plus petite taille qu’ils comprennent et traitent les risques liés aux actifs atypiques d’une manière appropriée pour leur régime, notamment en faisant appel à des conseillers externes.

2    Placements des Régimes du secteur public dans des actifs atypiques

Les actifs atypiques constituent une part des portefeuilles de placement des Régimes du secteur public qui est à la fois conséquente et importante stratégiquement :

  • Les placements dans des actifs atypiques par les Régimes ont augmenté à un taux moyen de 10 % par an entre la fin de 2010 et la fin de 2020. Au total, ces placements représentaient 187 milliards de dollars et 37 % des placements nets des caisses de retraite au 31 décembre 2020. La croissance est le fruit de plus-values en capital et de nouveaux investissements.
  • Dans chaque régime, la part des actifs atypiques variait de 25 % à 50 % des actifs nets investis au 31 décembre 2020.
  • Les placements dans l’immobilier et l’infrastructure représentaient en moyenne les deux tiers environ des investissements des Régimes dans des actifs atypiques. En général, ces actifs « réels » (matériels) ont affiché des rendements équivalant à l’indice des prix à la consommation majoré d’un écart variant de 3 % à 4 %. Les Régimes ont indiqué utiliser une couverture à long terme pour les éléments de passif liés à l’inflation. Les investissements en capital formaient le tiers restant.
  • Les Régimes ont investi dans des actifs atypiques soit directement (par une gestion interne) soit par l’entremise de gestionnaires externes, ou encore en combinant ces deux procédés. La gestion externe comprend des fonds et des ententes de co-investissement. 

Les Régimes ont indiqué qu’ils ne prévoyaient pas dans l’immédiat de réduire la part investie dans des actifs atypiques. Certains ont fait part de leur intention d’accroître cette part.8

La COVID-19 et la volatilité des marchés qui en a découlé en 2020 ont présenté des défis du point de vue des stratégies de placements dans des actifs atypiques. L’examen de l’ARSF a constaté que les actifs atypiques des Régimes du secteur public ont de manière générale obtenu de bons rendements pour l’exercice qui s’est terminé en 2020. Cette observation s’ajoute aux conclusions rendues par la Banque du Canada dans sa Note analytique du personnel sur la gestion des liquidités par les grands régimes de retraite pendant la crise de la COVID-19.9 La Banque du Canada a constaté que les régimes avaient connu de fortes demandes de liquidités en mars 2020, mais avaient de manière générale fait preuve de résilience en répondant à ces demandes par diverses stratégies. La Banque du Canada a établi un lien entre l’augmentation des placements dans des actifs illiquides et, dans certains cas, l’emploi de l’effet de levier et d’instruments dérivés entraînant une hausse du risque de liquidité.10

3    Risques liés aux actifs atypiques

L’ARSF prévoit que le secteur des régimes de retraite continuera de s’intéresser aux actifs atypiques. La faiblesse persistante des taux d’intérêt et la possibilité d’une période inflationniste sont des facteurs supplémentaires qui renforcent l’attractivité des stratégies axées sur les actifs atypiques. De telles stratégies sont néanmoins assorties de complexités générant des risques supplémentaires pour les régimes.

Le caractère illiquide des actifs atypiques, comme l’investissement en capital, l’immobilier et l’infrastructure, ainsi que l’absence d’un marché secondaire rapide pèsent sur l’évaluation de ces actifs. Ces facteurs influent également sur les stratégies de sortie des investissements, en particulier si un élément d’actif doit être vendu rapidement dans des conditions du marché moins favorables qu’au moment de son achat. Les placements dans des actifs atypiques peuvent faire l’objet d’engagements plus complexes pour les investisseurs. Mentionnons à titre d’exemples les périodes de blocage et les autres restrictions relatives au rachat, de même que les options permettant aux entités émettrices de procéder à des appels de fonds auprès des investisseurs. Les ventes d’actifs atypiques sont généralement assorties d’une exemption des protections dont jouissent les valeurs cotées en bourse (p. ex., les obligations imposées aux émetteurs assujettis en vertu des lois sur les valeurs mobilières). Dans l’ensemble, les coûts liés aux opérations et à la gouvernance sont souvent plus élevés pour les actifs atypiques.

De ce fait, les administrateurs de régimes doivent comprendre et gérer les risques liés aux actifs atypiques d’une manière adaptée à la taille et aux autres circonstances de leur régime. Comme l’illustrent les pratiques appliquées par les Régimes du secteur public, les administrateurs de régimes devraient être satisfaits concernant les points suivants :

  • les modèles financiers utilisés dans l’évaluation des actifs atypiques et des risques de modélisation connexes (voir la section 4.1, Évaluation et risque de modélisation);
  • l’incidence des actifs atypiques sur la gestion actif-passif, la capacité des régimes à acquitter les prestations promises et leur pérennité à cet égard (voir la section 4.2, Gestion actif-passif);
  • les effets possibles de situations de tension sur le rendement des actifs atypiques et l’ensemble du portefeuille (voir la section 4.3, Tests de résistance);
  • les autres pratiques de gestion du risque et des liquidités de leurs régimes pour ce qui a précisément trait aux actifs atypiques (voir la section 4.4, Gestion du risque et des liquidités);
  • l’intégration des actifs atypiques dans le cadre de gouvernance et les contrôles généraux de leur régime.

Les risques liés aux actifs atypiques soulèvent pour les administrateurs de régimes des considérations ayant trait à la divulgation. Il s’agit notamment de la divulgation appropriée dans le sommaire des renseignements sur les placements et dans l’énoncé des politiques et des procédures de placement. De plus, les placements dans des actifs atypiques peuvent inciter les intervenants des régimes de retraite à vouloir de l’information complémentaire pour comprendre l’évolution du profil de risque du régime. Par exemple, des renseignements supplémentaires pourraient appuyer des changements de la politique de capitalisation ou étayer une modification du risque lié aux cotisations de l’employeur dans des circonstances défavorables. Une question émergente touchant les pratiques de divulgation est l’incidence possible du changement climatique sur les placements. Le changement climatique peut peser davantage sur les actifs réels comme l’immobilier et l’infrastructure.

Les fonds gérés à l’externe constituent une façon pour les régimes de tailles diverses d’investir dans des actifs atypiques. L’annexe donne des exemples de questions que les administrateurs peuvent se poser lorsqu’ils envisagent un placement dans un fonds géré à l’externe. Ces questions découlent des observations faites lors de l’examen des Régimes du secteur public par l’ARSF.

4    Pratiques de gestion du risque lié aux actifs atypiques des Régimes du secteur public

Le diagramme suivant donne un aperçu général des pratiques de gestion du risque lié aux actifs atypiques des Régimes du secteur public. Même si ces pratiques sont ici présentées sous la forme d’éléments séparés, elles sont dans les faits interreliées. Les pratiques en usage dans chaque régime varient, de même que la part accordée aux investissements directs et au recours à des gestionnaires externes. La pertinence des pratiques décrites ci-après (et, le cas échéant, l’ampleur de leur application) pour d’autres régimes du secteur varie selon leur utilité en fonction des circonstances propres à chaque régime.

L’ARSF a observé que la taille du régime est généralement en corrélation avec un recours accru à des investissements directs. Les placements directs gérés à l’interne vont de pair avec un plus grand contrôle. Ils exigent par ailleurs un niveau élevé d’expertise, une diligence raisonnable, des contrôles de gouvernance et un engagement de la part du régime. Les cadres de gouvernance des Régimes ayant une plus grande part d’actifs gérés à l’interne comprenaient des processus plus élaborés de contrôle et de remise en question.

Au sein des Régimes, les fonctions internes étaient séparées, mais articulées (p. ex., risque et investissement). Les Régimes faisaient appel à des conseillers externes lorsqu’ils le jugeaient approprié. L’expertise et l’engagement du conseil sont aussi des éléments importants dans l’établissement du cadre de gouvernance.

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Pratiques de gestion du risque lié aux actifs atypiques des Régimes du secteur public

Description aux fins d’accessibilité pour l’image intitulée « Pratiques de gestion du risque lié aux actifs atypiques des Régimes du secteur public »

4.1    Évaluation et risque de modélisation

Étant donné que les opérations concernant les actifs atypiques comme l’immobilier, l’infrastructure et l’investissement en capital sont peu fréquentes, voire inexistantes, ces actifs n’ont généralement pas de prix du marché fiables et précis. De ce fait, les investisseurs estiment leur valeur en recourant à la modélisation financière. Deux enjeux de taille se posent pour cette estimation : a) la fréquence de l’évaluation et b) le risque de modélisation. Le risque de modélisation est le risque que des méthodes ou des hypothèses inexactes soient utilisées, menant à une surévaluation ou une sous-évaluation de l’actif. Le résultat est une perspective irréaliste de la situation financière, du rendement et des besoins de capitalisation du régime.

Face à ces enjeux, les Régimes du secteur public ont adopté des politiques d’évaluation écrites. Ces politiques indiquent la fréquence de l’évaluation et identifient les personnes et la ou les équipes internes compétentes pour effectuer l’évaluation, ainsi que les critères définissant les circonstances du recours à des conseillers externes. Les politiques décrivent également les données, les hypothèses et les méthodes sur lesquelles repose le modèle d’évaluation, et stipulent la fréquence de leur examen. 

4.1.1    Évaluation des placements gérés à l’interne

 Fonction

Pratique dominante

Évaluation

  • Des membres compétents du personnel interne examinent le modèle d’évaluation et fixent des critères (p. ex., seuils d’importance relative) pour sélectionner les actifs en vue de leur examen par des conseillers externes. Le recours à des conseillers externes donne un contrôle supplémentaire pour valider l’évaluation.
  • L’évaluation des actifs fait l’objet d’un examen semestriel, au minimum, et est actualisée selon les besoins.

Gestion du risque de modélisation

  • Les principaux modèles d’évaluation sont validés chaque année pour garantir leur exactitude et la pertinence de leur application. La validation des modèles englobe les données, les hypothèses et les méthodes utilisées. Les détails des modèles d’évaluation et les résultats de la validation des modèles sont documentés.
  • Les conseillers externes assurent une surveillance accrue du risque de modélisation dans le cas de modèles d’évaluation complexes ou d’actifs importants.
  • Un processus d’affectation des profits et des pertes est établi. Ce processus explique les principaux facteurs des variations de l’évaluation et les met en lien avec les facteurs de risque pertinents (p. ex., variations des flux de trésorerie, taux d’intérêt, taux d’actualisation, taux de capitalisation par région et taux de change). Il sert de mécanisme de vérification permanent et de contrôle de vraisemblance de la valeur produite par le modèle.

4.1.2    Évaluation des fonds gérés à l’externe

Fonction

Pratique dominante

Évaluation

  • Les pratiques d’évaluation du gestionnaire externe sont examinées dans le cadre du contrôle diligent initial.
  • L’évaluation d’au moins une partie des actifs gérés à l’externe est réalisée régulièrement. L’examen repose sur des critères clés (p. ex., importance relative, variations de l’évaluation). Un processus distinct de surveillance du rendement permet de garantir le suivi de l’évolution de la valeur des actifs et que cette évolution est conforme aux conditions sous-jacentes du marché.

Gestion du risque de modélisation

  • La politique relative au modèle d’évaluation du gestionnaire et l’efficacité de ses contrôles du risque de modélisation sont examinées dans le cadre du contrôle diligent initial et, par la suite, d’activités régulières.
  • Un modèle de référence est élaboré par le régime pour fournir une évaluation approximative dans le contexte des structures de co-investissement. Le régime peut ensuite surveiller tout écart entre la valeur approximative et la valeur présentée par le gestionnaire externe du co-investissement. 

4.2    Gestion actif-passif 

Les études de gestion actif-passif (GAP) évaluent la capacité d’un portefeuille de placement d’une caisse de retraite d’acquitter les prestations promises du régime. Les caractéristiques du portefeuille comme le rendement visé ou la volatilité et les flux de trésorerie prévus sont prises en compte. Les études de GAP aident les régimes à établir une part des actifs atypiques qui soit stratégiquement pertinente. Ces études aident également à comprendre les possibilités et les vulnérabilités éventuelles des stratégies axées sur les actifs atypiques selon différents scénarios. Par ailleurs, elles aident à comprendre la situation de capitalisation du régime et sa capacité à absorber les fluctuations futures des cotisations de capitalisation. Elles permettent aussi de saisir dans quelle mesure le portefeuille de placement correspond au goût du risque du régime.

Fonction

Pratique dominante

Étude de GAP

  • Une étude de GAP complète est réalisée au moins trois fois par an ou lorsque des facteurs importants évoluent (p. ex., changement des caractéristiques démographiques, des prestations de retraite, des hypothèses et de l’objectif ou la stratégie de capitalisation). L’étude valide la part de la caisse de retraite investie dans des actifs atypiques ou recommande son réexamen.
  • Les données, les hypothèses, les modèles et les résultats relatifs aux actifs atypiques sont examinés indépendamment des personnes qui ont réalisé l’étude de GAP.
  • Les principales hypothèses, les ajustements de données et l’exercice d’un jugement d’expert concernant les actifs atypiques sont clairement expliqués et documentés, ce qui facilite une meilleure compréhension des facteurs influant sur le risque et le rendement.
  • Les études de GAP et les éclairages qu’elles apportent concernant les stratégies axées sur les actifs atypiques sont incluses à des présentations au conseil pour faciliter ses activités de surveillance.

4.3    Tests de résistance

Le test de résistance est une technique permettant d’évaluer la résilience des placements et le profil de risque global d’un régime. Un éventail de scénarios prospectifs est utilisé pour étudier le rendement attendu des actifs atypiques. Les scénarios incluent des situations de tension hypothétiques qui peuvent être historiques, nouvelles ou extrêmes, tout en demeurant plausibles. Les tests donnent un aperçu des vulnérabilités éventuelles, que les administrateurs de régimes peuvent ensuite traiter dans leur processus décisionnel lié au risque et aux placements. 

Fonction

Pratique dominante

Granularité de l’analyse réalisée par les tests de résistance

  • Les données ou les facteurs clés dans le modèle d’évaluation applicable aux actifs atypiques (p. ex., taux d’actualisation, inflation, taux de capitalisation) sont testés conjointement et séparément. Ce niveau de granularité donne aux résultats du test une sensibilité plus fine que si le test portait exclusivement sur des hypothèses générales fondées sur la catégorie d’actifs (p. ex., baisse de X % des actifs atypiques). Cette sensibilité permet l’analyse d’attribution. Cela met en lien les résultats du test de résistance avec les facteurs de risque et d’évaluation propres aux actifs atypiques en question, et donne aussi de la souplesse pour personnaliser davantage les scénarios de test.

Application

  • Les tests de résistance sont intégrés au contrôle diligent avant la réalisation de placements dans des actifs atypiques. Ils donnent une perspective plus détaillée du profil de risque et de rendement du placement.
  • Les tests de résistance sont effectués régulièrement dans le cas de placements dans des actifs atypiques. Les résultats obtenus soutiennent les décisions en matière de placement et de surveillance du risque concernant le maintien, l’élargissement ou la réduction de l’exposition aux actifs atypiques. Les tests de résistance facilitent la surveillance du risque et du rendement des actifs atypiques par le conseil. La fréquence de ces tests dépend notamment de l’importance relative des actifs atypiques dans le portefeuille global, ainsi que de leur volatilité et des évolutions ou des fluctuations générales des marchés qui influent sur leur évaluation.

4.4    Gestion du risque et des liquidités

Les risques pertinents liés aux actifs atypiques sont mesurés, surveillés et gérés. L’agrégation des risques liés à chaque élément d'actif donne un aperçu des risques pour l’ensemble du portefeuille. Elle permet aussi de mieux comprendre le risque marginal que présente pour le portefeuille l’ajout d’un élément d’actif particulier. 

Fonction

Pratique dominante

Outils d’évaluation du risque

  • L’attribution à l’interne de côtes de risque est envisagée pour des actifs individuellement. Ce procédé permet de comprendre l’influence des risques liés à un actif précis sur l’évaluation du risque pour le portefeuille. Les pratiques d’attribution de cotes de risque varient (p. ex., valeur à risque marginale, méthode de notation de crédit), en fonction notamment des principes d’investissement du régime et de l’opinion concernant des actifs précis.

Activités de contrôle du risque

  • Les activités de gestion du risque particulières aux actifs atypiques sont réparties entre chaque fonction de gouvernance du régime. Cela garantit la séparation réelle des tâches, des contrôles et de la surveillance. Par exemple, les fonctions de gouvernance peuvent inclure un minimum de trois volets (1er volet : propriétaires du risque; 2e volet : surveillance de la gestion du risque; 3e volet : vérifications ou contrôles concernant les processus liés au risque) assortis d’une surveillance ou d’une remise en question au niveau du conseil.
  • Une équipe centralisée de contrôle du risque est établie. Elle dispose des ressources et des connaissances suffisantes concernant les actifs atypiques (p. ex., les compromis entre le risque et le rendement, leur rôle dans la stratégie plus globale, l’évaluation et les risques liés à la modélisation). L’équipe de contrôle du risque est séparée de l’équipe des placements, et un mécanisme est en place pour qu’elle rende compte indépendamment à la haute direction et au conseil.

Politiques et procédures

  • Une fourchette de niveaux de risque acceptables est établie pour les actifs atypiques. Cela permet de réaliser des placements en fonction des tolérances aux risques acceptables fixées pour le portefeuille.
  • Un processus de gestion des liquidités est établi. Cela permet de garantir que des liquidités de haute qualité sont disponibles pour satisfaire d’éventuelles demandes de liquidités. Des horizons temporels appropriés et prudents sont appliqués. La possibilité d’événements graves (p. ex., la crise financière de 2008, les attentats du 11 septembre) qui gèleraient les marchés du financement à court terme est également prise en compte.11

5    Conclusion

Les actifs atypiques constituent une stratégie de placement importante des Régimes du secteur public. Les Régimes avaient investi 187 milliards de dollars en actifs atypiques au 31 décembre 2020, soit 37 % de leurs actifs nets cumulés. L’ampleur de ces placements illustre bien leur utilité pour atteindre les besoins à long terme en matière d’investissement. Les actifs atypiques présentent aussi des risques, en particulier du fait de leur illiquidité. Ces risques ont incité les Régimes du secteur public à mettre en place des contrôles, des politiques et des facteurs d’atténuation supplémentaires et à modifier leurs structures internes et leur gouvernance en conséquence.

Comme l’a montré la crise de la COVID-19, des événements peu probables, mais à forte incidence, peuvent survenir. Ces événements sont susceptibles d’imposer des tensions au niveau des liquidités et des évaluations. L’illiquidité des placements accentue l’importance de pratiques de gestion du risque efficaces. Les régimes devraient notamment faire preuve d’un contrôle diligent complet avant d’effectuer un placement, et comprendre l’ampleur des répercussions possibles de situations de tension plausibles (modérées et graves) eu égard aux tolérances au risque acceptées. Une autre pratique est d’avoir en place des mécanismes pour suivre l’évolution des risques au fil du temps et pour s’y adapter. À cet égard, le changement climatique renforce l’importance de la gestion du risque, en particulier pour ce qui a trait aux actifs réels illiquides qui sont vulnérables aux risques matériels et à ceux liés à la transition.

L’ARSF s’attend à ce que l’utilisation des actifs atypiques par le secteur des régimes de retraite se poursuive et évolue. Les fonds d’actifs atypiques gérés à l’externe facilitent les placements par les régimes de toutes tailles. Pour aider les administrateurs de régimes à investir dans des possibilités gérées à l’externe, l’annexe pose des questions qu’ils devraient étudier afin de respecter leur norme de diligence. De même, les observations résumées dans le présent rapport peuvent aider tous les régimes à s’autoévaluer. L’ARSF est consciente de la diversité du secteur en termes de tailles et de situations des régimes. Elle attend des administrateurs de régimes qu’ils tiennent compte des risques liés aux actifs atypiques de manière adaptée à leur régime pour respecter leur norme de diligence.

L’ARSF poursuivra ses activités de supervision à l’égard des Régimes du secteur public et de la gouvernance et la gestion des risques liés aux placements. Ce travail découle de son mandat – promouvoir une bonne administration des régimes de retraite et protéger les prestations de retraite et les droits des participants – et de la priorité énoncée dans son plan d’activités, à savoir élaborer le cadre de surveillance prudentielle et tenir des consultations concernant les enjeux connexes.

Annexe

Questions à étudier concernant les placements dans des fonds d’actifs atypiques gérés à l’externe

Les questions suivantes sont, dans une perspective générale, des exemples de points que les administrateurs de régimes devraient étudier dans le cadre du contrôle diligent qui leur incombe à l’égard des placements dans des actifs atypiques gérés à l’externe. Ces questions ont pour objet d’aider les administrateurs de régimes à respecter la norme de diligence dont ils doivent faire preuve en définissant les enjeux à prendre en compte dans l’évaluation des risques liés aux actifs atypiques. Cette liste de questions ne prétend pas couvrir toutes les considérations pouvant être pertinentes au moment de choisir un placement. Elle ne doit pas non plus être interprétée comme étant représentative des pratiques de contrôle diligent des Régimes du secteur public.

Les questions précises à étudier dans le cadre du contrôle diligent pour un placement donné dépendront du placement même et de son lien avec le portefeuille de placements global du régime de retraite. Le contrôle diligent devrait être exercé par des personnes compétentes qui connaissent les enjeux juridiques, fiscaux, comptables et financiers pertinents. Comme l’illustrent les Régimes du secteur public, les études de GAP et les tests de résistance peuvent aussi être des facettes importantes du contrôle diligent. Ces outils peuvent donner un aperçu de l’éventail de résultats possibles générés par le portefeuille de placements selon divers scénarios. Ils peuvent de plus éclairer le choix du type et du volume d’actifs en portefeuille à réorienter vers des actifs atypiques. 

  1. Quels sont les objectifs principaux des placements dans des actifs atypiques ou les possibilités qu’ils procurent (p. ex., rendements excédentaires, prime d’illiquidité, diversification, couverture contre l’inflation)?
  2. Quels sont les risques financiers liés au placement? Quelles vulnérabilités ces risques pourraient-ils entraîner pour la stratégie de placement de la caisse de retraite? Est-il possible de gérer de telles vulnérabilités? Quelle devrait être la fréquence de l’examen des risques et des pratiques de gestion connexes?
  3. Comprend-on les répercussions que les actifs atypiques pourraient avoir sur la capacité du portefeuille de placements à payer les prestations de retraite? Les situations de tension modérées et graves, l’illiquidité du placement, les restrictions relatives au rachat, le cas échéant, et les fluctuations possibles des cotisations de capitalisations sont elles prises en compte?
  4. Tous les frais pertinents sont ils pris en compte dans l’analyse des placements (p. ex., frais liés aux opérations, à la gestion du risque et la gouvernance, à l’administration, à la gestion et au rendement)?
  5. Pour ce qui a trait au mandat d’investissement, au gestionnaire et au portefeuille de la caisse : 
    1. Quel est le mandat d’investissement et quels sont les critères applicables à l’achat et à la vente d’éléments d’actifs? De quel degré de transparence le gestionnaire de placements peut-il faire preuve dans la divulgation de l’information sur les placements sous-jacents?
    2. Quel est le degré de diversification du portefeuille d’actifs atypiques? Cette diversification peut porter sur les différentes catégories d’actifs (immobilier, infrastructure, investissement en capital, etc.), les secteurs au sein de chacune de ces catégories, la taille et les facteurs géographiques.
    3. De quelle façon le gestionnaire de placements évalue-t-il la qualité d’un investissement (p. ex., notation, dépenses et revenus prévus, volatilité des rendements, capacité de revente)? Les facteurs environnementaux, sociaux et liés à la gouvernance sont ils pris en compte?
    4. De quelle façon le gestionnaire de placements utilise-t-il l’effet de levier dans le portefeuille?
    5. Quels sont les antécédents du gestionnaire de placements?
    6. Le gestionnaire réalise-t-il des tests de résistance sur son portefeuille? Quels scénarios utilise-t-il à cet effet? Comment ces résultats sont-ils intégrés à la stratégie de placement et à la prise de décision?
    7. À quelle fréquence les actifs atypiques sont ils évalués? Quels contrôles le gestionnaire utilise-t-il pour inspirer confiance en son évaluation? Qui réalise l’évaluation? Celle-ci est elle vérifiée par des tiers indépendants ou externes? Quel est l’effet des variations de l’évaluation sur tout rééquilibrage périodique du portefeuille? De quel degré de transparence et de divulgation le gestionnaire de placements fait-il preuve relativement à ses processus en matière d’évaluation et de risque de modélisation? 
  6. L’énoncé des politiques et des procédures de placement (EPPP) du régime doit-il être actualisé de manière à autoriser le placement? Le placement est il conforme aux exigences de la Loi sur les régimes de retraite en matière d’investissements? D’autres documents de régie (p. ex., politiques sur la capitalisation, la gestion du risque ou les liquidités) doivent-ils être actualisés? Le gestionnaire de placements acceptera t il de se conformer à l’EPPP ou à d’autres exigences du régime, que ce soit dans ses accords de placement standard ou par l’entremise d’une lettre complémentaire?
  7. Le régime dispose-t-il des ressources suffisantes (internes ou externes) pour gérer les actifs atypiques? Cela englobe les pratiques de gestion supplémentaires possibles ainsi que des activités administratives (p. ex., déclaration fiscale dans des administrations étrangères).

Descriptions d’image

Pratiques de gestion du risque lié aux actifs atypiques des Régimes du secteur public

Le diagramme suivant donne un aperçu général des pratiques de gestion du risque lié aux actifs atypiques des Régimes du secteur public. Même si ces pratiques sont ici présentées sous la forme d’éléments séparés, elles sont dans les faits interreliées.

  • Évaluation et risque de modélisation
    En l’absence de prix du marché, la valeur de l’élément d’actif dépend des données, des hypothèses et des méthodes sur lesquelles repose le modèle d’évaluation, ce qui entraîne un risque de modélisation.
  • Gestion actif-passif
    Les études de gestion actif-passif évaluent le rendement visé, la volatilité, les flux de trésorerie et les autres caractéristiques pertinentes d’un portefeuille de placement dans le contexte de l’acquittement du passif d’un régime.
  • Tests de résistance
    Les tests de résistance donnent un aperçu de la capacité d’un régime à supporter les fluctuations de la valeur des placements, des cotisations et des niveaux de prestations.
  • Gestion du risque et des liquidités
    Les risques liés aux actifs atypiques, notamment les contraintes de liquidités, sont mesurés, suivis et gérés.

 


1 Régimes examinés : Régime des collèges d’arts appliqués et de technologie (CAAT), Healthcare of Ontario Pension Plan, Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario, Commission du Régime de retraite de l’Ontario, Fiducie du régime de retraite du SEFPO et Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. La Société ontarienne de gestion des placements a également participé à l’examen relativement aux activités de gestion des placements qu’elle réalise pour la Commission du Régime de retraite de l’Ontario
2 L’évaluation de la stabilité du système financier du Canada réalisé en 2019 par le Fonds monétaire international soulignait le profil de risque accru des régimes de retraite du fait que ceux-ci ont élargi leur exposition aux actifs atypiques. https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2019/06/24/Canada-Financial-System-Stability-Assessment-47024 (en anglais seulement)
3 https://www.fsrao.ca/fr/media/2006/download
4 https://www.fsrao.ca/fr/media/4051/download
5 Voir les Principes directeurs du secteur des régimes de retraite de l’ARSF à https://www.fsrao.ca/fr/pour-le-secteur/regime-de-retraite/cadre-de-reglementation/lignes-directrices/principes-directeurs-du-secteur-des-regimes-de-retraite.
6 Outre les obligations fiduciaires des administrateurs de régimes et de leurs mandataires issues de la common law, les paragraphes 22 (1) et (2) de la Loi sur les régimes de retraite énonce la norme de diligence qui leur incombe en vertu de la loi pour ce qui a trait à l’administration et au placement des fonds de la caisse de retraite.
7 Le terme « actifs atypiques » désigne une catégorie d’actifs autres que les actions, la dette et les liquidités traditionnelles. Ces actifs comprennent l’investissement en capital, la dette privée, l’immobilier, l’infrastructure, les fonds spéculatifs, les titres en difficulté, les marchandises, les fonds de change, les crédits de carbone, les instruments financiers dérivés et les cryptomonnaies. Ils englobent également les métaux précieux, les œuvres d’art, les antiquités et les pièces de monnaie.
8 La croissance et la prévalence des actifs atypiques observées sont conformes aux tendances établies par la Banque du Canada. Dans son examen de 128 régimes de retraite privés sous réglementation fédérale, la Banque du Canada a constaté un réaménagement des portefeuilles de placement entre 2004 et 2018 menant à une plus grande proportion d’actifs atypiques comme l’immobilier, l’infrastructure et l’investissement en capital. La Banque du Canada a également observé au cours de la même période un réaménagement des portefeuilles de placement en faveur des obligations. Elle a par ailleurs relevé que la taille des régimes était un facteur déterminant dans le réaménagement des portefeuilles et que les régimes de grande taille étaient plus à même d’investir dans des catégories d’actifs atypiques que les petits régimes. Cette remarque coïncide avec l’observation de l’ARSF ci dessous selon laquelle la taille du régime correspond au degré d’investissement direct. De façon plus générale, elle est également conforme à l’observation selon laquelle les actifs atypiques présentent des risques supplémentaires exigeant que les régimes aient en place des pratiques permettant de comprendre et gérer de tels risques. Voir la Note analytique du personnel, Rendement ou résilience? Un éclairage sur le changement de stratégie des gestionnaires de portefeuille des régimes de retraite au Canada (août 2021) à https://www.banqueducanada.ca/2021/08/note-analytique-personnel-2021-20/?_ga=2.13141367.152778388.1634804316-1762118846.1634648032.
9 Voir la Note analytique du personnel publiée en anglais seulement sous le titre COVID-19 crisis : Liquidity management at Canada’s largest public pension funds (mai 2021) à https://www.banqueducanada.ca/2021/05/note-analytique-personnel-2021-11/?_ga=2.57793379.875651544.1635849993-1946482946.1635849993.
10 L’ARSF étudie également les pratiques liées au risque de liquidité des Régimes du secteur public dans le cadre son travail régulier de supervision des processus de gouvernance et de gestion des risques liés aux placements.
11 Outre la note 10, l’ARSF compte mettre à l’essai à l’automne 2021 une mesure de la liquidité dans les Régimes du secteur public. La mesure devrait constituer une mesure commune pour les régimes et évoluer au fil du temps.